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presidentielles 2007 , 2012 et 2017
6 juillet 2006

L'IMPACT de Jean-Pierre CHEVENEMENT dans la campagne 2007

                      Le PROGRAMME de Jean-Pierre CHEVENEMENT

            Comme nous l’écrivions depuis plusieurs mois sur ce blog, la contribution et les analyses de cet ancien ministre d’Etat devront contraindre les candidats à reprendre certaines de ses questions pour donner un éclairage et sans doute une certaine consistance à leurs propres positions.

            Dans la phase qui se prépare les réponses aux questions de fond que pose ce républicain et cet homme si attaché à la notion de NATION devront placer le débat des idées à la place qui lui revient eu égard aux intérêts de notre pays et au rôle qu’en attendent tant de peuples dans le monde.

            Nous pouvons être certain que ses prises de position auront un impact dans la conduite des prochains débats qui verront se confronter les programmes et leur crédibilité.

            Le rôle de la banque centrale européenne ?

            La priorité de la défense de l’emploi en Europe ?

            Le rôle stratégique de l’état dans la maîtrise de nos approvisionnements énergétiques ?

            La lutte contre le capitalisme FINANCIER ?

            La politique industrielle et la recherche ?

            La place et l’autonomie de la politique internationale de la France et de l’Europe ?

            Le Co-développement avec nos anciens pays associés africains ?

            L’égalité Hommes Femmes et les conditions de sa mise en œuvre

            L’enseignement et l’égalité des chances ?

            La politique de ressource stratégique et Nucléaire ?

            La politique de DEFENSE de la France et de l’Europe ?

            L’avenir de l’EUROPE ?

Motion "Vers un projet républicain exigeant"

Rapporteur : Jean-Yves Autexier, Secrétaire National au projet.

Motion enrichie des amendements et adoptée au Congrès du MRC / avril 2006.

Dans le tourbillon de la mondialisation libérale, la France est mise à mal. Le 21 avril 2002, le 29 mai 2005 et les émeutes dans les banlieues sont autant de symptômes d’un même mal : les principes selon lesquels la France républicaine est constituée sont soumis à rude épreuve :

sa liberté d’agir est corsetée dans l’empire des marchés ; l’Europe qui selon les euro-béats devait nous protéger des dérives erratiques du capitalisme dérégulé détruit au contraire nos protections et nous immerge dans un marché mondial sur lequel nous n’avons pas prise.

sa souveraineté est réduite au rite de l’élection. Mais le peuple qui vote n’est plus souverain. Un à un, les éléments clés de nos décisions ont été mis hors de portée du suffrage populaire : la politique monétaire se décide à la Banque centrale européenne « indépendante » à Francfort ; 80% de nos règles économiques se fixent à Bruxelles, selon une procédure complexe qui fait des Parlements nationaux des observateurs muets puis des chambres d’enregistrement ; l’O.M.C. détruit les règles du commerce mondial ; les Etats-Unis fixent les règles du jeu diplomatique.

sa conception de la citoyenneté est confrontée à de nouveaux défis. Le citoyen, progressivement dépourvu de sa souveraineté politique, devient consommateur de droits avant de se dégrader en simple consommateur de biens. Les exigences de l’égalité, de la laïcité, s’évanouissent devant l’affirmation de communautés juxtaposées aujourd’hui, rivales ou hostiles demain.

la conscience de son destin s’obscurcit ; faute de pouvoir lui assigner un cap, les élites dirigeantes de notre pays invitent à célébrer la disparition de la nation, un jour vouée à la provincialisation dans une Europe fédérale, un autre jour priée de s’excuser de son histoire et de quitter la scène.

La tempête qui déferle sur la France républicaine est puissante. Si puissante que beaucoup de ceux qui avaient fait profession de « changer la vie » énoncent aujourd’hui que « le capitalisme a définitivement gagné la partie » (Michel Rocard). D’autres, avec moins de franchise, affichent un programme de lutte contre le libéralisme, mais mènent une politique d’accompagnement docile lorsqu’ils exercent le pouvoir. Les libéraux, enfin, attendent de la mondialisation et de l’Europe qu’elles réussissent là où ils n’ont pu aboutir, qu’elles puissent mater les velléités d’égalité et de souveraineté du peuple français, ou, pour reprendre leurs propres termes, qu’elles puissent réformer la société française de l’extérieur, puisque, de l’intérieur, ils n’y parviennent pas !

A notre peuple désorienté, nous devons la vérité. 

La mondialisation libérale est portée par l’évolution du capitalisme financier ; sa puissance est immense, mais elle n’est pas le fait d’une fatalité extérieure ni d’un mouvement inéluctable ou irrésistible. Elle comporte des faiblesses, des failles, des contradictions. Si le mouvement républicain en France n’a pas la force, à lui seul, d’arrêter le déploiement de la vague, il doit agir sur les leviers capables d’opposer des obstacles à la mondialisation financière. Les principaux sont les nations et les mouvements ouvriers. Le mouvement républicain en France peut être l’âme d’une résistance à ce déferlement destructeur des cultures humaines et des solidarités sociales. Face à l’hégémonie des lois du marché, les Républicains doivent former le parti du politique.

C’est à cela que nous ont invités les Français, aussi bien le 21 avril 2002 que le 29 mai 2005 et les émeutes en banlieue ont montré à leur façon l’ampleur d’une crise sociale et d’une crise nationale étroitement mêlées.

Beaucoup de citoyens se sont désintéressés du débat présidentiel de 2002, à partir du moment où le choix qui leur est apparu inévitable, entre Jacques Chirac et Lionel Jospin, ne répondait pas à leurs attentes et se confondait dans un mol alignement sur le libéralisme ambiant. Mais les électeurs sont revenus aux urnes le 29 mai 2005, dès lors qu’ils pouvaient faire entendre leur volonté : rejeter un carcan libéral, fût-il dissimulé sous le mot d’Europe. Il y a un fil directeur entre les votes du 21 avril 2002, du 29 mai 2005 et la crise des banlieues : le rejet d’un système libéral dont en réalité les Français ne veulent pas

I - DU REJET AU PROJET 

Notre devoir est de donner un contenu à ces aspirations, de permettre à notre pays de passer du Non au projet.

Le contenu d’un projet républicain, anti-libéral, exigeant, est au cœur de notre travail politique depuis plusieurs années. Nous avons en son temps rappelé à la gauche de gouvernement qu’entre le gauchisme et le libéralisme, il y avait la République ! Nous avons combattu les abandons de souveraineté, ou les transferts de compétence sans contrôle démocratique ; nous avons dénoncé les démantèlements de l’Etat républicain, les lâchetés devant l’ethnicisme et le chantage à la violence, le communautarisme. Nous avons aussi proposé de refonder l’Ecole, d’articuler les moyens publics et privés pour renouer avec une politique industrielle, une politique de la recherche, pour orienter l’Etat vers ses fonctions d’anticipateur et de stratège, pour repenser l’architecture de l’Europe et de la zone euro afin de retrouver la croissance et l’emploi. Nous avons proposé de refonder la citoyenneté, ensemble indissociable de droits et de devoirs et garantie d’égalité. Nous avons rappelé les moyens nécessaires à faire entendre la voix de la France dans le monde.

Cet investissement intellectuel, ancré dans la confiance dans la République, dans la confiance en le citoyen, doit à présent déboucher sur la définition d’un projet capable de répondre aux attentes du pays, de sortir du désarroi qui s’est emparé des Français. Il y a toujours une alternative au renoncement. Elle peut prendre aujourd’hui la forme d’un projet républicain exigeant rassembleur d’une majorité large de notre peuple.

I - 1 - La voix des citoyens 

La présence de Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2002, la victoire du Non au referendum et l’abstention massive démontrent que la représentation politique est en crise. L’effet « essuie-glace qui veut que chaque majorité soit évacuée du pouvoir à l’issue de son mandat pose un véritable problème : celui d’un projet ambitieux et courageux pour notre pays.

Que nous ont dit les électeurs le 29 mai dernier ? D’abord, lorsqu’un enjeu est clair, un choix présenté, ils se rendent aux urnes. 70% des inscrits ont voté ; c’est une participation puissante. Ainsi, 66% des abstentionnistes de la présidentielle 2002 sont allés cette fois voter Non. Très concrètement, on a vu dans les bureaux de vote des quartiers populaires, revenir des électeurs qu’on n’avait pas vus depuis longtemps.

Ensuite, le vote Non est un vote jeune, actif, populaire. C’est un vote jeune, car les électeurs de 18 à 29 ans ont voté Non à 62%. D’ailleurs, de 18 à 55 ans, une majorité vote Non ; le Oui ne regagne la majorité qu’après 55 ans. C’est un vote d’actifs. De 71 à 78% des ouvriers ont voté Non, de même que 66% des employés. Deux catégories d’actifs seulement font exception : les cadres et les professions libérales. C’est enfin un vote populaire. Jusqu’à 3000 euros nets mensuels par foyer, on vote Non. Le Oui repasse en tête au delà de 3000 euros par mois. Quand on a Bac + 2, on vote Oui à 67% ; quand on a un CAP ou un BEP, on vote Non à 63%. De 61 à 64% des électeurs de gauche ont voté Non ; mais aussi 21% des électeurs de droite1

Cette coalition de forces jeunes, actives et populaires, s’est réalisée malgré un déluge médiatique, stigmatisant le vote Non, malgré les deux grands partis politiques qui accaparent les sièges au Parlement, l’argent public, le temps de parole et se succèdent alternativement au pouvoir. Les électeurs se sont prononcés délibérément et en conscience, contre les leçons administrées chaque matin par les éditorialistes, les plumes bien-pensantes, les chefs de gouvernement voisins, les économistes, dirigeants d’entreprises, les « socialistes » comme les libéraux européens, malgré le Président, malgré le gouvernement, malgré le Parlement qui avait déjà, lui, modifié la Constitution ! La hauteur des obstacles surmontés dit assez la force de l’élan du 29 mai.

Aujourd’hui les mêmes, qui ont été défaits par le suffrage populaire, s’emploient de toutes leurs forces à dénier l’importance du referendum, à vouloir l’oublier, à « réconcilier » dans des synthèses vides partisans du Non et partisans du Oui, en faisant semblant d’ignorer qu’ils recouvrent l’opposition irréductible entre ceux qui s’accommodent du libéralisme et de la mort de la nation, et ceux qui défendent la souveraineté populaire et nationale

De la même manière, les émeutes en banlieue ont montré la cristallisation de tous les échecs depuis plus de vingt ans. Echec d’une politique économique qui, du franc fort à l’euro, a toujours sacrifié l’emploi et l’industrie, et mené à un chômage de masse, totalement déstructurant et frappant spécialement les jeunes générations. Echec d’une politique sociale qui, de politique de la ville en accompagnement social, s’est contenté de verser du baume sur les plaies sans traiter les causes du chômage. Echec d’une politique urbaine qui a laissé la ségrégation l’emporter, qui a concentré les populations à faibles ressources et grosses difficultés dans les mêmes quartiers, souvent coupés des villes-centres. Echec né d’une ignorance du fait national, d’un auto-dénigrement constant, d’un tropisme des élites à mépriser le peuple et la France. Comment appeler les jeunes issus de l’immigration à « s’intégrer », à faire France, si le pays est décrit comme un foyer de honte permanente ? Comment demander à des jeunes d’être fiers d’un pays dont les élites expliquent à longueur de colonnes qu’il est le paria des nations ?

Certes ces appels et ces cris venus de notre peuple ne suffisent pas à former un mouvement populaire majoritaire ou une majorité de gouvernement. Il faut à cet élan un projet, des hommes et des femmes pour le porter, une perspective politique.

Nous en sommes là. Notre investissement intellectuel au cours de la période, l’immense effort de cohésion, de créativité, de proposition et d’innovation accompli au cours de la campagne présidentielle de Jean-Pierre Chevènement, constitue un apport décisif. Pour aller du Non au projet, nous ne partons pas de rien ! Le MRC doit porter plus loin ce travail, répondre aux nouveaux défis, tracer de nouveaux chemins.

I - 2 Le retour du réel 

Beaucoup d’évènements récents ont donné sens à notre cheminement :

  La guerre d’Irak a éclairé rétrospectivement la première guerre du Golfe et montré ce qu’il en était de « la guerre du droit » à laquelle la gauche de gouvernement comme la droite avaient emboîté le pas. La France a pris cette fois la bonne voie, et chaque jour confirme le bien-fondé de ce choix.

  L’évolution de la situation en Corse a montré ce que les citoyens pensaient des compromis passés avec une minorité violente ; les résultats des referendums Outre Mer ont montré aussi que les citoyens n’entendaient pas prendre congé de la République, comme les y invitaient pourtant la droite et la gauche.

  Le modèle républicain décrié par les libéraux de droite comme de gauche se porte moins mal que le modèle communautariste britannique ; contrairement à ce qu’affirment les libéraux, ce n’est pas le modèle républicain qui est à l’origine de la crise des banlieues, c’est la destruction de ce modèle depuis vingt ans ! C’est le démantèlement de l’école républicaine, l’absence d’instruction civique, la fin du service national, le culte de l’individualisme et de la réussite par l’argent, la dévaluation de l’effort et du travail, l’idéal d’égalité en réalité abandonné au profit d’une simple « équité ». A ce modèle les Français montrent avec constance leur attachement ; ils savent aussi que la laïcité est le meilleur garant du vivre-ensemble et de la citoyenneté.

  Le diagnostic posé, dès 1992, sur l’euro, sa gestion par une BCE hors de tout contrôle démocratique, au seul service des marchés et de la rente, s’est confirmé. Ce qui nous valait hier des huées est aujourd’hui devenu un constat partagé : la zone euro est la zone du monde vouée à la non-croissance. Les Etats euro sont les champions du monde du chômage.

  Un nombre croissant de Français a pris conscience de ce que l’Union européenne, au lieu de nous protéger des excès de la mondialisation, nous y enfonçait au nom de la concurrence. On l’a vu avec clarté lors du sommet de l’OMC à Hong Kong.

  D’autres éléments touchant aux remèdes à opposer à nos maux sont venus à la lumière. Ainsi le refus de la France, de l’Allemagne et de la Russie, avec le soutien de la Chine, d’autoriser la guerre en Irak a formé le seul contrepoids à la politique américaine. Il a empêché que l’expédition bushiste soit la guerre de l’Occident. C’est le seul grain de sable apporté dans les rouages de la mondialisation libérale, car les équilibres financiers mondiaux, la confiance dans le dollar, sont étroitement liés à la capacité militaire américaine de se déployer en tous points du monde.

  Les Français ont à présent, dans leur majorité, saisi le lien entre la politique libérale de Bruxelles, approuvée par les représentants des Etats membres, et la liquidation des services publics comme des entreprises nationales.

  Des notions clés comme la nation, la République, la souveraineté populaire, la citoyenneté, la laïcité sont redécouvertes par beaucoup de ceux qui hier les vouaient aux gémonies, et envoyaient La Marseillaise et Le Pen dos à dos. 

  La « décentralisation » idéologique, hier panacée, est vue aujourd’hui comme une volonté d’affaiblissement de l’Etat et un risque pour l’égalité.

Bref, à gauche, beaucoup de socio-libéraux sont revenus, le temps d’une campagne référendaire, au bercail des idées républicaines. Et à droite, la crise fait rage entre les libéraux, obnubilés par le « modèle » américain, qui sont allés à Washington s’excuser de la politique française, et ceux qui prétendent redécouvrir les nécessités du « patriotisme économique » et se réfèrent au volontarisme et au rôle de l’Etat, sans pour autant traduire cette orientation dans les faits. C’est ainsi que les Chantiers de l’Atlantique, dernier grand site français de la construction navale ont été bradés à l’étranger pour une bouchée de pain. C’est ainsi qu’après l’immense effort national consenti pour relever Pechiney, ou la sidérurgie, Pechiney a été privatisé puis cédé au groupe nord-américain Alcan, et que Arcelor, partie pour le Luxembourg, est aujourd’hui la cible d’une OPA.

C’est dans ce contexte nouveau que le MRC doit élaborer un projet républicain et exigeant. Dans l’univers politique déconsidéré que nous connaissons, plus que jamais le seul repère sûr, c’est le projet qu’on veut servir. A quoi rimerait de se définir par rapport à des réalités mouvantes ou à des définitions qui ne veulent plus rien dire. C’est la gauche britannique qui est le meilleur soutien de George Bush et c’est la droite française qui s’ y est opposé... C’est une gauche à la bonne conscience inaltérable qui nous proposait de verrouiller le carcan libéral de la constitution européenne... C’est la gauche officielle allemande qui avait pour programme social celui du Medef français... Entre ceux qui programment les piscines publiques selon les religions, et ceux qui proscrivent les signes religieux à l’Ecole, cherchez la droite, cherchez la gauche ! Maastricht, « constitution » européenne, Corse, statut de l’Outre-Mer, privatisations, cherchez la droite, cherchez la gauche !

Il y a un meilleur critère que ceux que démentent la réalité, c’est le projet. Nous revendiquons d’être jugés à l’aune de notre projet.

I - 3 -Résister au libéralisme 

Ce projet est dirigé par un choix moteur : la résistance au libéralisme, et non l’alignement docile sur ses exigences. Mais, pour y résister, encore faut-il comprendre ce qu’est la mondialisation libérale. Encore faut-il connaître l’adversaire auquel on entend résister.

Le capitalisme industriel a laissé place au capitalisme financier. La valeur n’est plus constituée par la production de biens et de services mais par l’estimation, par les marchés financiers, de la valeur pour l’actionnaire. Cette désincarnation, ce détachement de la base réelle, permet au capitalisme financier une extrême mobilité et une extrême rapidité. Les capitaux se déplacent dans l’instant, à la vitesse des communications électroniques. L’ouverture des marchés de tous les pays de la planète est donc une impérieuse nécessité. Le taux de rentabilité financière à court terme est la seule boussole. Aux capitaines d’industrie ont succédé les fonds de pension. Leur exigence de rentabilité des capitaux investis est tout à fait déraisonnable pour les industries d’Europe ; elle ne peut se satisfaire que sur des marchés émergents avec des coûts salariaux très bas. Les firmes multi-nationales qui représentent en valeur les deux tiers du commerce mondial sont les agents et les accélérateurs du processus. L’ouverture de tous les marchés au commerce mondial est devenu un objectif central ; c’est la mission assignée à l’OMC, qui délibère et agit sous le feu constant des lobbyistes des firmes multi-nationales, et instrumente les pays en développement, -ou du moins certains d’entre eux- comme elle l’a fait à Hong Kong, pour mieux servir la cause du libre échangisme dogmatique.

Le rôle central des Etats-Unis est assuré par le dollar et par les privilèges exorbitants que lui confère la confiance accordée à cette monnaie devenue monnaie mondiale. La monnaie américaine reste en effet la monnaie des échanges mondiaux (l’euro représente 16% des réserves, c’est à dire sensiblement la même chose que représentait auparavant le deutsche mark soit 14%) La valeur du dollar n’est guère liée par le déficit budgétaire américain, ni par le déficit considérable de la balance commerciale américaine. C’est la confiance dans la solidité de la tête de l’Empire qui l’explique. Ainsi le Japon, la Chine, les pétromonarchies et l’Inde, en achetant massivement des Bons du Trésor U.S., financent-ils le déficit des paiements et assurent le bon fonctionnement du système, dont l’effondrement serait pour eux aussi terriblement coûteux. Ainsi l’Europe dirige-t-elle son épargne vers les Etats-Unis et accepte-t-elle, sans mot dire, une dévaluation du dollar de 50% en cinq ans qui ouvre toutes grandes les portes des marchés de la zone euro aux produits de la zone dollar et de la zone yuan qui lui est associée. Aussi les Etats-Unis s’efforcent-ils d’obtenir une réévaluation du yuan chinois pour améliorer leur balance commerciale.

A la monnaie, il convient d’ajouter un élément majeur de contrôle de l’économie mondiale, l’énergie. Maîtriser la production et le prix du pétrole aujourd’hui, du gaz demain, représente un instrument formidable de régulation. Le Moyen Orient, l’Iran, la Russie, l’Afrique détiennent les principales réserves. Les Américains n’entendent pas laisser aux pays producteurs ou à des ententes entre pays producteurs, Europe, Chine et Japon, la maîtrise de ces données. La guerre du Golfe puis la guerre d’Irak ont cristallisé ces enjeux et administré une limpide leçon de choses : les Etats-Unis doivent justifier la confiance que placent en eux les marchés financiers. Ils constituent de fait la seule puissance capable de projeter ses forces où que ce soit. Cette confiance dans les Etats-Unis permet de maintenir le système en équilibre, c’est à dire en déséquilibre permanent. Il y a un lien organique entre les capacités politiques et militaires de Washington et le fonctionnement du système libéral mondialisé.

Résister à cette mondialisation financière et politique est nécessaire pour qui veut lutter contre les inégalités, l’injustice, le chômage de masse. Prétendre lutter contre les effets du système sans analyser puis combattre ses causes serait une imposture. Les Français le savent bien ; la première cause qui les mobilise vraiment, la première question qu’ils nous posent est bien celle de la mondialisation. Est-elle inéluctable ? irréversible ? Laisse-t-elle des marges de manœuvre ? Et lorsqu’ATTAC traite de ces vraies questions, elle recueille une attention que les vieux partis usés et cauteleux ne peuvent plus espérer. Le rôle de la politique, le devoir d’un parti politique, ce n’est pas la gestion des affaires courantes au jour le jour, ce n’est pas la lamentation sur les fatalités, c’est de comprendre le monde, de vouloir le changer et d’agir en conséquence.

I - 4 La mondialisation libérale a ses failles 

A - D’abord, elle ne remplit pas les objectifs que ses idéologues lui assignent : assurer le développement par la croissance généralisée des échanges. L’Amérique du Sud et l’Afrique, une grande partie de l’Asie sont tenues à l’écart. Lors des trente dernières années, la part dans les échanges mondiaux des pays les moins avancés a été divisée par cinq ! La misère, la faim sévissent. L’enfoncement dans le sous-développement est le lot de régions entières. Où en sont les espoirs de « la décennie du développement » ? La CNUCED et ses ambitions sont effacées par l’OMC, mais les plans d’ajustement du FMI plongent les populations dans le malheur, ont poussé l’Argentine au krach. Cette avalanche de misère fragilise le système. Dans toute l’Amérique latine, un mouvement populaire puissant change progressivement la donne et remplace les bourgeoisies « compradores » par de nouveaux courants qui veulent lier justice sociale et émancipation nationale.

B - La dictature du court terme est suicidaire. Exiger des taux de rentabilité financière de 20% dans des pays où la croissance n’atteint pas 2% est une démarche de prédateur, non d’entrepreneur. La création de valeur pour l’actionnaire aboutit à détruire l’outil de production de valeur réelle. Mais « l’entreprise sans usine » que vantait naguère le dirigeant d’Alcatel est une entreprise sans emplois et bientôt sans valeur créée. Cette myopie -qui est aussi celle des marchés- a besoin d’être corrigée. Le système lui-même a besoin de régulation. Les grands investissements nécessaires, en matière de transports, de fourniture d’énergie, mais aussi de formation sortent du cadre de rentabilité à court terme.

C - L’effacement des Etats que prône et met en pratique la mondialisation libérale, pour ôter tout obstacle au libre-marché mondial, crée du chaos, laisse libre cours aux affrontements ethniques, déstabilise les Etats...et gêne l’expansion du commerce ! Le sommet de Hong Kong a montré l’essoufflement de ce dogme et ses limites.

D - La résistance des peuples, des nations, des cultures, des Etats est réelle. Elle est aussi diverse. Et si nous proposons d’organiser une résistance républicaine à la mondialisation libérale, il va de soi que tout ce qui résiste à la mondialisation n’est pas nôtre ! Celle-ci éveille en effet des réactions ethniques, archaïques, où finissent par se mêler refus de la domination américaine et refus de la modernité. Nous ne cautionnerons pas ces réactions pires que le mal. La politique américaine stimule aussi sûrement l’islamisme radical au Sud que le chômage de masse nourrit Le Pen en France ! Mais nous ne cèderons pas non plus aux amalgames honteux qui veulent réduire toute force de résistance à la mondialisation, à une alliance « rouge-brun ». Entre la mondialisation financière et l’islamisme ou le fascisme, il y a la démocratie ! Cette précision étant donnée, il faut constater que la vague de la mondialisation suscite de fortes réactions. La Chine a certes rejoint l’OMC, mais l’Etat chinois a bien l’intention d’organiser méthodiquement son insertion dans le marché mondial et n’entend pas se laisser écarteler ou désagréger à son contact. La Russie n’envisage pas de galvauder ses forces, notamment en énergie et matières premières, sans qu’elles ne profitent durablement au développement du pays. La profondeur de l’opinion arabe et musulmane, de l’Asie à l’Atlantique, est animée d’un profond ressentiment à l’égard de l’Amérique et parfois de l’Occident tout entier ; les régimes en place sont parfois pris en porte à faux entre leur puissant protecteur et leur peuple ; des bouleversements sont possibles à tout moment. En Amérique latine, l’antagonisme prend des formes diversifiées à Cuba, en Argentine, au Brésil, au Venezuela, en Bolivie : partout cependant le modèle libéral mondialisé est contesté.

E - En Europe, le paysage a changé fortement depuis dix ans. Certes, les pays d’Europe centrale et orientale, fraîchement libérés du joug soviétique, sont-ils vivement attirés vers le modèle libéral mondialisé, et spécialement vers les Etats-Unis. Mais en Europe de l’Ouest, le mirage a cessé d’exercer ses effets : on a découvert, lors de la guerre d’Irak, l’ampleur du fossé qui sépare les opinions publiques en Europe et aux Etats-Unis, même si les milieux au pouvoir à Londres, Madrid, Lisbonne ou Rome étaient alors restés fidèles à l’atlantisme. La victoire du Non au referendum est sans conteste un refus du modèle libéral par les Français ; il est davantage aux Pays Bas un refus de disparaître dans un ensemble non démocratique. Mais ces deux votes confirment la fin d’une époque. Les charmes de la « mondialisation heureuse » sont évanouis. En Europe de l’ouest, on affronte la désindustrialisation, les délocalisations, la stagnation des salaires, la baisse du pouvoir d’achat, la mise en cause des protections sociales, le chômage de masse. Dès lors que les politiques européennes sont apparues non comme une protection contre la mondialisation, mais comme son chausse-pied, les peuples ont commencé de s’en détourner, par l’abstention d’abord, par le refus à présent.

F - Si l’on se projette dans les vingt ans qui viennent, que sera la crédibilité de la politique américaine et par conséquent du système mondialisé dont elle est le cœur ? Que vaudront les régimes de circonstance mis en place dans les pays producteurs d’énergie, face à la montée en puissance de l’Inde et de la Chine ? Où se trouveront les réserves inexploitées de main d’œuvre à bas coût permettant des taux de rendement du capital de 20% ? Les créanciers des Etats-Unis seront-ils toujours consentants à financer ses déficits extérieurs ? Le consommateur américain, déjà surendetté et surconsommateur, sera-t-il le seul à soutenir la demande mondiale, financée par les autres ? L’Europe, au lieu d’asphyxier ses propres forces dans une visée fédéraliste impossible qui l’enfonce en fait dans la mondialisation libérale, s’avisera-t-elle qu’elle doit organiser la coopération des nations qui veulent faire vivre un modèle politique et social original dans le monde ? L’Europe s’avisera-t-elle de relancer l’expansion et l’emploi sur son sol et d’en trouver les moyens ?

A l’évidence, l’avenir n’est pas écrit. La partie n’est pas jouée. Mais notre projet est éclairé d’abord par cette volonté : résister autant que faire se peut face à la mondialisation financière libérale et ses effets, et encourager toutes les nations du monde à rejeter ce carcan impérial.

II - NOTRE PROJET 

II - 1 - Retrouver la croissance, faire reculer le chômage 

Le chômage de masse est le mal à combattre. Il engendre la pauvreté, l’exclusion, le désespoir ; les replis identitaires, il nourrit la xénophobie, le racisme, la délinquance ; il explique la perte de confiance dans la République. Le problème est apparu insoluble parce qu’on ne voulait pas en changer les données.

Le monétarisme absolu, depuis la fin des années 80, la politique du franc fort pour préparer l’euro, puis l’euro fort ont privilégié la rente et tari l’investissement. Cette politique qui a coûté en Europe des millions de chômeurs a été rejointe par la mondialisation financière : démantèlement de toutes les régulations et contrôles sur les flux financiers, abaissement des impôts, ouverture des marchés financiers aux fonds de pensions. Les délocalisations, recherches de main d’œuvre la moins coûteuse sur la planète, le démantèlement de toutes les protections commerciales, l’ouverture à tous vents du marché européen où les produits à bas prix tuent les productions locales, ont fait le reste. A l’heure où les entreprises du CAC 40 voient leurs bénéfices augmenter de manière importante, la précarité augmente de plus en plus.

C’est cette orientation qu’il faut contrer. On ne luttera pas contre ses effets -le chômage- sans agir sur ses causes. 

II - 1 A - Changer l’architecture de la zone euro 

La zone euro peut renouer avec la croissance. C’est la priorité immédiate. L’expansion économique doit gagner l’Europe et spécialement la zone euro où elle est aujourd’hui interdite de séjour. Pour changer de politique, nous proposons : de renégocier le Pacte de stabilité, pour en faire un pacte de croissance concertée. A tout le moins les dépenses d’investissement productif, de recherche et de défense doivent être exclues du calcul du déficit budgétaire plafonné. De modifier les statuts de la Banque centrale européenne afin d’inclure dans ses missions la nécessité de veiller à l’emploi et à un haut niveau d’activité D’instituer un gouvernement économique de l’euro assuré par l’Eurogroupe, et autorisé à donner des orientations à la BCE. La politique du change est capitale, du fait de la mondialisation des échanges. Elle doit être reprise en main : comment accepter que la BCE ait laissé sans réagir l’euro se réévaluer de 50% face au dollar, pénalisant ainsi lourdement la production et l’emploi dans la zone euro ? Le futur Président de la République doit être décidé à se battre farouchement pour changer l’architecture de la zone euro. Faute de quoi, devant l’incapacité du système monétaire euro de répondre aux besoins des économies des pays membres, ceux-ci seront tentés par le décrochement de l’euro et le retour aux dévaluations compétitives.

II - 1 B - L’innovation et la recherche 

Nous proposons un effort renouvelé et conséquent en matière de recherche. Les vœux pieux du sommet de Lisbonne en matière de recherche et de technologie ont heurté le mur du pacte de stabilité. Nous proposons de porter à 3% du PIB l’effort de recherche français, en déduisant ces engagements des déficits budgétaires plafonnés. Tous les pays de l’Union ne sont pas en mesure de mener le même effort de recherche. Ceux qui le font doivent y être encouragés ; c’est un intérêt commun. Le même raisonnement vaut pour l’effort de défense.

Nos orientations prioritaires doivent viser les nouvelles technologies de l’information, les biotechnologies, l’énergie (réacteur nucléaire du futur, pile à combustible, fusion nucléaire, énergies renouvelables...) la santé, les transports, l’agriculture, l’environnement. L’initiative publique en ces domaines est nécessaire.

II - 1 C - La politique industrielle 

La politique industrielle doit reprendre ses droits . Elle a été ramenée par la Commission de Bruxelles à une simple politique de la concurrence. Celle-ci exige une réforme de bon sens : dans une économie mondialisée, le temps n’est plus à lutter contre des positions localement fortes. Dès lors qu’une position n’est dominante que localement, elle doit être acceptée voire encouragée lorsqu’il s’agit de faire naître en Europe des champions mondiaux.

Dans les secteurs industriels vitaux et stratégiques, l’Etat doit exercer une mission de sécurité absolue et assumer un rôle de stratège. Son droit de regard, sous forme d’actions spécifiques (golden share) par exemple, est légitime. Il faut en finir avec une attitude aussi désastreuse que celle de la Commission dans l’affaire Alstom, qui pousse à créer un monopole en Europe et à affaiblir les capacités européennes face à la concurrence mondiale dans des secteurs hautement stratégiques. Des coopérations renforcées dans les domaines industriels clés doivent pouvoir se nouer, sans l’aval préalable de la Commission, avec un nombre restreint d’Etats membres volontaires.

Une politique industrielle cohérente exige de mettre nos grandes entreprises à l’abri des prédateurs boursiers. Beaucoup, en raison de leur actionnariat, sont vulnérables ; les exemples de Carrefour ou Danone sont connus. Des moyens existent : contrôle des fusions boursières, constitution d’un pôle d’actionnaires stable capable d’intégrer les exigences de moyen et long terme pour l’entreprise, actionnariat salarié, qui à partir de 10 - 15% offre une résistance solide aux opérations prédatrices.

Une politique de soutien à la croissance, l’industrie et l’emploi appelle également l’Etat à veiller à un environnement favorable et stable

II - 1 D - L’énergie 

L’énergie est le premier de ces facteurs. Les pouvoirs publics ne peuvent s’en désintéresser. Nos approvisionnements en pétrole et en gaz sont liés à la qualité de nos relations avec les pays qui forment le grand voisinage de l’Europe : Moyen-Orient et Iran, Maghreb, Russie. Les récentes tensions à propos de l’approvisionnement en gaz de l’Europe le montrent amplement : l’affaire est d’abord politique et ne saurait se régler par le seul jeu du marché. Une Europe européenne, soucieuse de ses intérêts à terme, a autre chose à faire que d’emboîter le pas à la politique américaine dans ces régions, ne serait-ce qu’en raison de la contrariété d’intérêts au point de vue énergétique. Nous proposons une politique de grand voisinage avec la Russie, le Proche et Moyen-Orient, le Maghreb, au sein de laquelle la sûreté de nos approvisionnements énergétiques s’inscrira logiquement.

Les prix durablement élevés du pétrole, le besoin d’indépendance énergétique, font que l’énergie nucléaire a un grand avenir devant elle. Ceux des pays qui ont cru, un temps, pour causes électorales, pouvoir s’en détourner, préparent des revirements déchirants. L’avenir du nucléaire doit être préparé et un vrai débat public en est le meilleur moyen. L’heureux déblocage de l’EPR est un pas décisif. La localisation à Cadarache du projet ITER est une reconnaissance des acquis français et un fort accélérateur de la recherche en matière d’énergie nucléaire : réacteur de recherche, réacteur de remplacement des tranches EDF, réacteurs sous-critiques... Sur vingt ans, il faut prévoir de gérer 500 tonnes de déchets, de manière sûre, durable et réversible. Ce n’est pas inaccessible ! La loi Bataille en fournit le moyen. Faute de quoi, ce serait 50 000 000 de tonnes de gaz carbonique que nous serions amenés à produire... Le souci de l’environnement, la préparation de l’avenir et l’intérêt national se rejoignent pour conjuguer le développement du nucléaire avec les énergies renouvelables et une politique sérieuse de maîtrise des dépenses énergétiques.

II - 1 E - Le service public 

Pour offrir un cadre favorable à la croissance et à l’emploi, nous avons besoin de services publics performants et de qualité. Les défis énergétiques à venir, le renouveau du nucléaire, exigent, tant du point de vue de la sécurité que de l’exigence de long terme pour les investissements, qu’EDF reste dans le domaine public. L’énergie, mais aussi l’approvisionnement et le traitement de l’eau, sont deux exemples évidents de domaines pour lesquels le service public est seul de nature à apporter les garanties qu’exigent les citoyens.

Si les Français ont rejeté le projet de « constitution » européenne, c’est parce qu’ils ont saisi que « la concurrence libre et non faussée » était le lacet avec lequel les libéraux entendaient étrangler le service public. Certes, ils n’en dressaient pas l’acte de décès ! Mais en les soumettant à la concurrence, on les laissait à la merci de l’écrémage où le secteur privé s’octroie les activités rentables, ne laissant au public que le secteur déficitaire, avant de disparaître. A l’inverse il s’agit pour nous de mettre en place une politique active de service public empêchant la constitution de monopoles privés : eau, santé, autoroutes, transports, énergie...

Le prochain Président de la République doit être capable d’obtenir une directive « service public », permettant sans équivoque de préserver nos services publics, garants de l’égalité d’accès des citoyens aux services de base ; faute de quoi le maintien du service public dans notre pays exige une clause dérogatoire (opting out) sur les mesures de libéralisation. Et la plus solide manière d’empêcher ces liquidations est d’inscrire dans notre constitution la liste des principaux services publics qui, dès lors, ne pourront perdre leur statut de service public exigé par la constitution, sans l’accord du constituant.

II - 2 - La revalorisation du travail 

La loi de la mondialisation libérale, c’est la mise en concurrence des « coûts » du travail, le salaire étant ramené à un coût sans considération des effets qu’il exerce sur la demande et la croissance. La Commission agit sous la pression et les impératifs de l’Accord général sur les commerces et les services (AGCS) qui imposent partout la libéralisation. Le projet de directive service, dite Bolkestein, y compris dans sa version actuelle, doit ainsi faire l’objet d’un veto de la France. Ce n’est pas la flexibilisation sans limite du travail, dont témoignent aussi les formules de CNE et CPE qui permettra de relever le défi. A cette concurrence, l’Asie est aujourd’hui gagnante ; certains Etats d’Afrique jouent aussi leur carte, et les pays d’Europe centrale et orientale exercent leur attrait.

II - 2 A - Protéger les acquis sociaux en Europe 

Une politique de revalorisation du travail doit donc être cohérente et prendre en compte cette réalité. A terme, le respect de clauses sociales et environnementales à l’OMC doit être notre cheval de bataille. Mais cette bataille sera rude et longue.

C’est pourquoi, faute de résultat, l’Union européenne doit remettre en œuvre la préférence communautaire qui prévalait jusqu’en 1974 au sein du Marché commun, et l’appliquer aux biens et aux services. Cette préférence communautaire implique un tarif extérieur commun. C’est la seule manière de garantir le niveau social européen. Ne nous laissons pas intimider par ceux qui crient au « protectionnisme » pour défendre les intérêts financiers au détriment de l’intérêt général des peuples européens,

Cette conception des relations commerciales mondiales, à rebours du libre échangisme dogmatique de l’OMC, vaut non seulement pour l’Europe, mais pour le monde. La liberté des échanges, comme l’a fort bien montré Maurice Allais, seul prix Nobel d’économie français, ne peut valoir qu’entre zones de niveau économique et social comparable. La thèse libérale selon laquelle l’extension sans limite du libre-échange apporterait la prospérité est contredite par l’expérience : le chômage s’accroît au Nord, tandis que la majorité des pays du Sud s’enfonce dans le sous-développement. Notre politique de commerce mondial doit inciter à un cercle vertueux : plus le niveau social et environnemental s’élèvera dans les pays fournisseurs, plus le niveau de leurs exportations vers l’Europe s’accroîtra. A la vision de l’OMC nous devons opposer un projet d’organisation du commerce mondial par grands ensembles régionaux, de niveau économique et social comparable, avec liberté des échanges à l’intérieur, et régulation des échanges entre grandes zones.

Notre politique commerciale doit viser une réorientation volontariste et importante de nos courants d’échange vers nos voisins immédiats dont l’évolution économique négative actuelle ne pourra pas rester sans conséquences graves pour l’Europe : Afrique du Nord, Afrique sub-saharienne et Proche-Orient. La politique libre-échangiste actuelle de l’Europe accroît, dans toute sa myopie idéologique, les difficultés de ces trois zones majeures pour notre avenir, la dérégulation des marchés du textile en ayant fourni le dernier en date. Notre politique commerciale, sur la base de quotas et d’accords bilatéraux doit favoriser drastiquement des investissements massifs et réellement productifs dans ces trois zones.

II - 2 B - Rééquilibrer les revenus du travail et du capital 

Dès à présent la revalorisation du travail, par rapport aux revenus du capital, peut s’engager en France par la réforme des charges sociales. Nous proposons que les cotisations sociales patronales, aujourd’hui assises sur les salaires, soient graduellement remplacées par une taxe assise sur la valeur ajoutée comptable de l’entreprise. Ce prélèvement unique se substituera au système actuel de cotisations et exonérations ciblées. Les cotisations salariales, à l’exception de la retraite, doivent être transférées vers une CSG ne supportant pas l’impôt. Ces transferts permettront aux entreprises de poursuivre l’effort de revalorisation du SMIC et de rendre au salariés du pouvoir d’achat. A l’inverse, les revenus du capital seraient appelés à financer bien davantage la protection sociale. Revaloriser le travail et sa rémunération exige de commencer par le SMIC et les bas salaires : le travail doit être reconnu socialement et ce principe ne doit pas être anéanti par le dumping social mondial. Il faut aussi lutter contre la précarité, et non la développer, avec les contrats CNE CPE, voués à s’étendre comme tache d’huile et à réduire à rien le droit du travail ; il conviendrait aussi de rendre coûteuses pour l’employeur les indemnités de fin de CDD.

II - 2 C - Garantir les protections sociales 

C’est d’abord par le travail et la croissance que sera garantie la pérennité des régimes sociaux. En matière de retraite, cette certitude n’est pas aujourd’hui assurée. La part des actifs par rapport aux inactifs sera améliorée si la retraite progressive est mise en place. Ceux qui le souhaitent ne doivent plus être arrêtés de travailler par un âge-couperet. L’allongement de la durée de vie pourra ne pas déséquilibrer le système, si une politique active d’aide à l’enfant redresse la démographie. Mais le chômage important des jeunes et des salariés après 50 ans constitue une immense perte de cotisations pour les régimes de protection sociale. L’issue n’est pas dans les fonds de pension qui ne font qu’engendrer de nouveaux risques et se révèlent fort coûteux. Elle est dans la réforme de l’assiette des cotisations, l’amélioration du taux d’activité en fin de carrière... et dans le recul du chômage.

L’assurance maladie est en danger : en témoignent le déséquilibre de ses comptes et les menaces de libéralisation dans la logique de libre-concurrence : l’OMC souhaite inclure la santé dans son champ d’action. Nous voulons au contraire renforcer un système de protection universel, égalitaire et solidaire, dégagé des contraintes de rentabilité mais équilibré financièrement. Nous proposons de rendre au Parlement un rôle directeur dans la politique de santé publique et dans les dépenses de santé. Nous avons besoin d’une politique du médicament, libérée des pressions des grands groupes pharmaceutiques. Moderniser l’hôpital public, c’est déconcentrer son budget au niveau de chaque service, distinguer une partie forfaitaire correspondant aux missions générales et une partie indexée sur l’activité réelle. C’est aussi faire face à la pénurie d’infirmières, mettre fin au numerus clausus pour les médecins, accorder des encouragements financiers à l’installation en zone difficile, à la tenue des gardes et des urgences. Des Agences régionales de santé doivent garantir la cohérence des choix et la réalité de l’égal accès aux soins. Nous proposons également d’organiser un cinquième risque dans la protection sociale : le risque dépendance, par reconversion du système actuel et protégeant l’ensemble des ménages.

La solidarité entre les générations passe aussi par la politique familiale. Beaucoup de couples n’ont pas autant d’enfants qu’ils le désirent. C’est dommage pour eux et fâcheux pour notre pays. L’excédent de la branche famille doit être dirigé vers la construction de crèches et le financement de services d’assistance maternelle, en maintenant la diversification des modes de garde.

Garantir et pérenniser notre système de protection sociale, c’est donc résister à la logique libérale qui veut le transformer en champ de profit, au risque d’immenses inégalités.

II - 2 D - Les paysans doivent pouvoir vivre de leur travail

Revaloriser le travail des paysans face à l’offensive libérale menée par l’OMC est un combat exemplaire pour toute résistance au libéralisme. La réforme de la PAC imposée en 2003 a instauré un « découplage » entre la production et le revenu des paysans. Désormais l’agriculteur ou l’éleveur, au lieu de vivre de ses produits -dont le prix sera progressivement aligné sur le cours de braderie du marché mondial- vivra d’allocations. C’est un abandon complet des principes de la PAC, qui était, faut-il le rappeler, la seule politique commune mise en place. Désormais, l’Union européenne n’a qu’un objectif : aligner l’Europe sur le marché mondial, comme l’y presse l’OMC, laquelle peut compter sur le soutien actif de Tony Blair.

Contre cette liquidation, il faut réinventer la PAC et les principes qui l’avaient fondée : préférence communautaire, prix rémunérateurs encourageant la qualité, souveraineté alimentaire, en servant de nouveaux objectifs : agriculture paysanne, sécurité et qualité alimentaires, rejet du dumping vis à vis des agricultures des pays du Sud. Le refus du découplage des aides va de pair, pour nous, avec la fixation de prix intérieurs européens, en référence aux coûts de production réels et à des codes de bonne pratique. Le respect de la préférence communautaire garantit ces prix. Dès lors, la limitation par quota de production des restitutions aux exportations est acceptable.

L’objectif d’autosuffisance alimentaire de l’Europe ne doit pas être perdu de vue. Dans cet équilibre, pourront être menés à bien le passage de la production de masse à la qualité, l’encouragement aux productions agricoles non alimentaires, au respect de l’environnement, le développement des contrats territoriaux d’exploitation, non seulement pour les exploitants bien installés mais pour tous les autres. Des aides directes sont possibles dès lors qu’elles visent à préserver l’environnement et développer les bonnes pratiques. Mais cette réinvention de la PAC doit permettre à l’Europe de se nourrir par elle-même et aux paysans de vivre de leur travail et non de subsides.

Pour valoriser le travail, faire face au chômage de masse en Europe, maintenir un système valide et juste de protection sociale, un vigoureux changement de politique est indispensable. Ce renversement de cours ne peut être porté que par un mouvement populaire puissant capable de voir dans cet effort non pas un programme électoral supplémentaire, mais la République elle-même, reprenant confiance en soi, relevant les défis, la République relevée, la République en actes.

II - 3 - La République relevée 

II - 3 A - La souveraineté, la démocratie, la loi 

Le plus grand reproche qu’on puisse faire aux gouvernements qui se sont succédé, c’est d’avoir laissé effacer les repères de la République. Et pourtant, plus la réalité est complexe, plus rapidement elle évolue et se transforme, et plus nous avons besoin de principes clairs. La France est un pays essentiellement politique, pour qui la souveraineté populaire est l’autre nom de la liberté. Il n’y a pas de démocratie sans souveraineté du peuple. Tous ceux qui ont tourné autour du pot, essayant de finasser avec ce principe élémentaire, de théoriser sur des « délégations de souveraineté » à Bruxelles, ont heurté l’obstacle le 29 mai : comment imposer à notre peuple des choix qu’il n’a pas voulus, ni par lui-même ni par ses représentants ? Refonder les institutions européennes sur la démocratie, c’est la refonder sur les souverainetés nationales qui sont inaliénables. Cela n’exclut nullement des transferts de compétences, des compétences exercées en commun, mais à condition que celles-ci soient démocratiquement contrôlées. La prolifération du droit communautaire dérivé est devenue incontrôlable : il serait temps de revenir au principe de la primauté de la loi nationale postérieure sur ce droit dérivé. Nous proposons d’ailleurs d’étendre en Europe le champ de ces compétences exercées en commun par des coopérations renforcées.

Les droits de l’homme sont indissociables de ceux du citoyen, qui constitue une parcelle du souverain. Les droits et les devoirs qui sont les siens sont liés à la souveraineté nationale qu’il a en partage. Le « droitdel’hommisme » est un consumérisme ; les droits et devoirs du citoyen sont une éthique. C’est tout cela qu’il faut relever !

En République, le citoyen n’a qu’un maître : la loi, qui doit être égale pour tous. Il est urgent de simplifier la loi, de mettre un terme à la prolifération réglementaire, nationale comme européenne. Prendre le citoyen au sérieux c’est garantir la clarté et la lisibilité de la loi.

II - 3 B - Le renouveau de l’Etat 

L’Etat est l’instrument par lequel le bien commun s’affirme par dessus les intérêts particuliers. Pour réformer l’Etat, il faut clairement fixer ses tâches : fonctions régaliennes, fonctions anticipatrices, fonctions de stratège et missions d’intérêt public : transports, énergie, recherche, aménagement du territoire... Ceux qui ont la charge de servir l’Etat doivent le moderniser au lieu de le dénigrer. La frénésie de calomnies sur le rôle de l’Etat a été encouragée par les gouvernements libéraux qui se sont succédé en France, appliqués à poursuivre une décentralisation tout idéologique et dépassée. A présent les Français et leurs élus n’en veulent plus. Cette décentralisation là signifie la fin de l’égalité. Décentralisons donc, mais dans la République et dans le respect de la solidarité nationale. Cessons d’opposer les collectivités locales à l’Etat : tous doivent servir le bien public. Le développement de l’intercommunalité de la loi de 1999 montre que c’est possible. Il serait nécessaire aussi, sur ce modèle de l’intercommunalité, de clarifier les responsabilités de chaque niveau de collectivité locale, en désignant des collectivités chef de file pour chaque domaine d’activité, en réformant le mode de scrutin pour l’élection des conseils généraux, en conférant aux régions un statut d’interdépartementalité sur le modèle de l’intercommunalité.

II - 3 C - La reconquête des territoires 

Une vigoureuse politique d’aménagement du territoire en sera un excellent terrain d’application. Le choix de pôles de compétitivité peut se révéler de bonne méthode, à condition cependant que les moyens correspondent au propos. Ils doivent servir à une reconquête de l’espace français, pensée en fonction des défis européens. Cela appelle également une mise en cohérence des politiques publiques où l’Etat à un rôle moteur à jouer : le discours de dénigrement de l’Etat et d’apologie de la proximité est totalement périmé et dangereux face aux enjeux mondiaux.

Il est temps aussi de réinventer la politique de la ville et d’en faire un bilan sans complaisance, spécialement au lendemain des émeutes des banlieues : contractualisation poussée à l’excès, multiplication des procédures, superposition des zonages vont à l’encontre de l’efficacité et de la rapidité nécessaires. Elles vont de pair avec l’absence de sens : quelle égalité bâtir, pour quelle citoyenneté, dans quelle nation ? Tant que ces questions ne trouvent pas réponse, les modalités d’action s’enlisent sans perspective. A la « politique de la ville », aux « politiques d’intégration » doit succéder une volonté nationale de plein accès à la citoyenneté, replaçant les valeurs républicaines au cœur du pacte social, rejetant dans les actes les réflexes communautaristes.

Nous proposons de modifier les règles de financement du logement pour construire la mixité sociale, au sein de chaque immeuble, pour construire de la ville dans chaque quartier en déshérence avec ce que cela exige d’équipements, de services, de lien social, sans écarter la nécessité de détruire et reconstruire ce qui doit l’être dans les banlieues. A l’éclatement dans l’espace correspond l’absence de solidarité : la ville éparpillée, en miettes, doit retrouver cohésion sociale et densité urbaine. Le secteur du bâtiment n’est pas délocalisable ! C’est un moyen efficace de la relance.

Nous proposons de garantir aux collectivités locales des ressources pérennes fondées sur la fiscalité locale au lieu de les remplacer par des dotations. Le maillage territorial des services publics doit s’adapter à l’évolution des populations et à leur croissance en zone péri-urbaine. Des systèmes de parrainage souples doivent être favorisés avec les étudiants, les retraités, les bénévoles, les anciens élèves et les jeunes des quartiers populaires en difficulté scolaire. Un nouveau mouvement d’éducation populaire laïque est à créer dans nos banlieues

II - 4 - La citoyenneté affermie 

Le citoyen est au cœur de la République parce que s’articulent en lui la liberté individuelle et l’exigence du bien commun. La citoyenneté ne sépare pas l’autonomie de chaque être humain et la solidarité. Face à l’individualisme, la citoyenneté est le rappel de l’intérêt général. Le civisme est la forme la plus élaborée du lien social. Relever le citoyen c’est d’abord croire en l’égalité des droits et des chances, c’est rappeler l’égalité devant la loi. Si la citoyenneté traverse aujourd’hui une crise, ce n’est pas le modèle républicain qui est en cause, mais les coups de boutoir qui le frappent jour après jour, au nom de l’individualisme exacerbé, du culte de la réussite personnelle par l’argent, des communautarismes. C’est aussi parce que l’intérêt général est perdu de vue.

II - 4 A - L’égalité entre les hommes et les femmes est le premier défi à relever par le principe de citoyenneté. 

Nous sommes très loin du compte, spécialement dans la vie professionnelle. 78% des emplois non qualifiés sont occupés par des femmes, et 82% des emplois à temps partiel. Mais 5% des membres des conseils d’administration sont des femmes ! Depuis la mise en oeuvre de la directive européenne sur le travail de nuit, 15000 femmes supplémentaires travaillent de nuit dans l’industrie, et savourent sans doute cet acquis du féminisme bobo... Une politique active d’égalité professionnelle est nécessaire. La collectivité doit aussi développer les services indispensables pour que les femmes puissent concilier vie professionnelle et familiale, engagement politique ou social (crèches, services à domicile, péri-scolaire...) Le principe de laïcité est un appui pour les femmes qui doivent à nouveau défendre le droit à disposer d’elles-mêmes face aux mouvements anti-IVG, ou même défendre leurs droits élémentaires contre les pressions religieuses ou machistes de certains milieux islamistes. Pour tout Républicain, le combat féministe est un enjeu concret d’égalité. L’égalité hommes-femmes est un principe devant lequel les traditions, les cultures, les religions doivent céder le pas.

II - 4 B - L’égal accès à la citoyenneté 

La crise des banlieues le montre avec force : l’égal accès à la citoyenneté est devenu un enjeu majeur de notre génération : aux jeunes issus de l’immigration, aux jeunes stigmatisés par leur quartier de résidence ou leur couleur de peau, nous devons tenir la promesse républicaine d’égalité. Il faut certes lutter énergiquement contre les discriminations à l’embauche, au logement, dans les loisirs, mais il faut aller bien au delà : promouvoir avec volontarisme cette génération. Education populaire dans les quartiers, soutien scolaire, préparation aux concours...Une ingénierie républicaine, fondée sur des critéres sociaux et géographiques doit permettre de construire un véritable plan pour l’égalité. L’Etat ne doit pas rester observateur ou juge pénal : il doit devenir acteur de cette promotion volontaire fondée non sur une discrimination raciale positive, mais sur l’exigence d’égalité de tous les citoyens et l’ardeur à abattre les obstacles qui s’y opposent et les préjugés. La création d’un service national court et obligatoire formerait un des rares lieux de brassage social, et serait une occasion de saisir la signification de l’appartenance nationale et de la solidarité civique.

Nous proposons aussi que, à la manière des anciens IPES, l’Etat finance les études des jeunes de condition modeste sous condition qu’ils servent l’Etat ou le secteur public durant dix ans. Ce serait un moyen efficace de promotion sociale et une irrigation de la fonction publique et du secteur public par des femmes et des hommes représentant la diversité de la France d’aujourd’hui.

Cette politique sociale, pour réussir, doit s’inscrire dans une réaffirmation nationale. Au moment de faire France avec nos nouveaux citoyens, donnons-leur l’envie d’être Français ! Au lieu de dicter par des lois le contenu des programmes d’histoire, cessons de caricaturer le passé, de fragmenter la mémoire nationale en autant de mémoires communautaires rivales, et affirmons sereinement que la France est digne d’être aimée. Comme ses voisins d’Europe, elle a connu ses ombres et ses crimes, mais ils ne sauraient faire oublier les grands élans qui sont le fil directeur de son histoire : La Révolution française, la démocratie, les droits de l’homme et du citoyen, l’abolition de l’esclavage, la laïcité, la Résistance et la Libération. Certes la France n’a pas toujours été fidèle à ses idéaux ; mais c’est au nom même de ces idéaux que nous pouvons mener une critique constructive qui, loin de faire haïr notre histoire, fera mieux comprendre à quel point elle est l’enjeu d’un combat constant.

II - 4 C - Donner sens à l’immigration 

La France doit demeurer une terre d’immigration, à condition que celle-ci soit régie par des règles claires et ne soit pas perpétuellement agitée par les démagogues, qui prennent le risque grave de déstabiliser les populations installées sur notre sol. De même, il faut rester ferme avec le principe qui veut que l’accueil d’un étranger en France a pour corollaire le respect des valeurs de la République et de ses lois. Il faut ainsi conforter la situation des étrangers établis en France et lui donner sens : pour l’immense majorité, ils deviendront Français et leur destin est en France. L’accès à la nationalité est l’aboutissement logique -du moins pour ceux qui le souhaitent-. « L’immigration zéro » et « des papiers pour tous » sont les deux faces d’une même médaille : l’ignorance de la réalité des migrations. La maîtrise du mouvement, pour le rendre compatible avec nos capacités d’accueil, implique des lois claires et un soutien actif au co-développement avec les pays d’origine. Les quota d’origine ne sont pas acceptables en raison de leurs critères ethniques ou raciaux ; les quota par profession ne peuvent être utilisés qu’en accord avec les pays d’origine afin de ne pas organiser le pillage des cerveaux du Tiers Monde. Pour apaiser les peurs, donnons sens à l’immigration : elle est appelée à faire France ! Avec les nouveaux venus, futurs citoyens de la République, nous serons en 2015 le premier pays d’Europe par la population.

II - 4 D - La laïcité 

La laïcité est constitutive de la citoyenneté : en distinguant la sphère publique de la sphère privée, elle rend compatible l’infinie diversité des hommes, des cultures, des religions, et la commune appartenance à la République à égalité de droits et devoirs. La laïcité unit les hommes par ce qu’ils ont en commun au lieu de les diviser par ce qui les distingue.

Au nom de la laïcité, nous devons veiller à ce qu’aucune distinction religieuse ne s’impose dans l’espace public, à ce que l’ethnicisation des rapports sociaux soit combattue, à ce que la liberté de l’esprit, de la recherche, de la création soit garantie. Le premier combat laïque d’aujourd’hui est à livrer contre l’enfermement dans le communautarisme.

La laïcité est un bon guide également pour traiter d’un problème simple : l’Islam, dernier venu des grandes religions sur notre sol, ne dispose pas de lieux de culte dans les mêmes conditions que les religions qui l’ont précédé. Il est possible de compenser cette inégalité sans toucher à la loi de 1905 : une Fondation privée d’intérêt public est en mesure de réunir les financements nécessaires sans attenter aux règles de la loi de séparation. Un Islam de France, ayant intégré le principe de laïcité dans ses rapports avec l’Etat et la société sera un précieux encouragement pour ceux qui oeuvrent à l’évolution des sociétés politiques du monde arabo-musulman. Il est nécessaire de rappeler que le Conseil représentatif du culte musulman, heureuse initiative de Jean-Pierre Chevènement est compétent pour les affaires de culte, et ne saurait être transformé en représentant des Français d’origine maghrebine.

De même les principes laïcs sont éclairants quant il s’agit de légiférer sur les questions d’éthique : clonage thérapeutique, par exemple, ou sur les modes de vie : améliorations du PACS notamment. La liberté d’examen, l’éthique de responsabilité sont de meilleurs repères que la fuite en avant dans toutes les démagogies.

II - 4 E - Le droit égal pour tous à la sûreté 

L’exigence de la citoyenneté nous crée des devoirs en matière de sûreté, de lutte contre la violence, de justice. Nous avons, de longue date, souligné à quel point la délinquance urbaine touchait d’abord les gens les plus modestes, ceux que leurs moyens assignent à résidence et qui ne peuvent quitter les cités populaires pour les beaux quartiers. Le mépris ou l’ignorance de l’aspiration des habitants des quartiers populaires à vivre dans la tranquillité explique une part de la déroute de 2002. Rappelons que, pour nous, le droit égal pour tous à la sécurité doit s’imposer aussi bien face à la démagogie sécuritaire que face à l’angélisme. Il va de pair avec l’action pour l’égal accès à la citoyenneté car aucun amalgame n’est acceptable. Ni la pauvreté ni l’origine étrangère de ses parents ne prédestine quiconque à la délinquance. Et un délinquant, qu’il soit auvergnat ou maghrébin, doit être sanctionné. Dans la crise des banlieues, faire preuve d‘indulgence à l’égard de ceux qui brûlaient des écoles ou incendiaient les voitures de leur voisins, aurait été le meilleur moyen d’enfoncer ces jeunes, qui ont avant tout besoin de repères. La démagogie est toujours mauvaise conseillère. A rebours, aidons généreusement l’immense majorité des jeunes issus des quartiers populaires à réussir leurs études, à trouver un travail et réussir leur vie.

La police de proximité, mise en place dès 1999 par Jean-Pierre Chevènement, a été peu à peu démantelée. On a vu le résultat de cet abandon, sur le terrain : face aux émeutes, la police de proximité avait disparu et ne restaient que les unités d’intervention. C’est une profonde erreur sur laquelle il faudra revenir si l’on veut traiter les causes et non jeter de la poudre aux yeux. Il faut continuer d’améliorer la liaison police - gendarmerie - justice, et veiller à une harmonie de vues ; un gros investissement humain et financier est nécessaire aussi pour que la justice accomplisse ses missions à commencer par l’exécution des peines. Une loi de programmation pour la justice est nécessaire.

II - 4 F - L’évolution des institutions 

Enfin, la question des institutions se trouvera posée : l’absence de volonté politique, la dilution des responsabilités, la mise en cause de la souveraineté font prendre à beaucoup les effets pour la cause. Après seize réformes constitutionnelles depuis 1958, ce n’est pas le conservatisme institutionnel qui est responsable de la crise ; peut-être sert-il de bouc émissaire ou de dérivatif. Mieux vaut affronter les vrais problèmes. Autant le dire, nous n’attendons pas du prochain Président de la République qu’il engage dès son élection une vingtième réforme de la Constitution. Ce n’est pas la priorité immédiate et la démocratisation nécessaire du fonctionnement des institutions pourrait prendre plus rapidement d’autres chemins.

Il serait sage de s’aviser en revanche de toutes les conséquences du quinquennat. Celui-ci, accompagné d’une lecture plus originelle de la Constitution, et du fait que l’élection législative suit désormais de quelques semaines l’élection du Président de la République, dessine un paysage beaucoup plus présidentiel, où le chef de l’Etat est directement responsable de l’exécutif. Il n’y a pas lieu de s’en offusquer dès lors que le Parlement exerce la plénitude de ses droits : contrôle de l’exécutif, contrôle préalable des directives européennes (avec saisine possible du Conseil constitutionnel), maîtrise sérieuse de la loi de finances et de son exécution, de la loi de financement de la sécurité sociale).

L’élection du Président de la République au suffrage universel, puis le quinquennat, sont irréversibles. Ils dessinent, qu’on le veuille ou non, une évolution présidentielle et non un retour au parlementarisme. Encore faut-il que l’avantage premier du régime présidentiel, à savoir paradoxalement la force et l’indépendance du Parlement par rapport à l’exécutif, soit affermi. Rappelons aussi qu’une telle évolution rendrait possible l’usage de la proportionnelle, en totalité ou en partie, pour l’élection des députés, puisque la stabilité gouvernementale ne serait plus mise en cause. En revanche le risque de blocage impose qu’en cas de crise, le Président comme l’Assemblée retournent devant les électeurs. C’est dans cette voie que les conséquences du quinquennat doivent être méditées.

En matière institutionnelle enfin, se pose la question des partis politiques. Le mode de financement public permet à deux grands partis d’accaparer l’essentiel des fonds publics et des temps d’antenne. Il est temps de faire place aux formations émergentes et de réformer en conséquence les critères du financement public.

II - 5 - Refonder l’Ecole 

L’école républicaine est à refonder. Depuis plus de trente ans elle a cherché à relever les défis de la démocratisation et de l’arrivée de couches de plus en plus nombreuses d’élèves, par des méthodes et des théories qui ont souvent fait fausse route. La pédagogie n’est pas une fin en soi. Il est temps de recentrer l’Ecole sur ses missions premières : la transmission des savoirs et des valeurs, et relever l’autorité qui la rend possible, celle des maîtres. La maîtrise des savoirs élémentaires en primaire est la clé de toute réussite ultérieure. Une priorité doit être donnée à la maîtrise de la langue française qui conditionne tout le reste... à commencer par l’apprentissage ultérieur des langues étrangères. La République doit conforter ses enseignants et ceux qui les appuient dans leurs tâches : ils ont la tâche ingrate d’inculquer le goût de l’effort dans une société hédoniste, le sens du travail dans un monde où la réussite par l’argent est portée au pinacle, la joie de comprendre, la fierté de s’élever, dans un environnement où tout concourt à la crétinisation de masse. Leur tâche est difficile. Il est déraisonnable de fermer les yeux sur la situation des élèves qui ne maîtrisent pas les connaissances élémentaires et passent de classe en classe en s’habituant à l’échec et en nourrissent le ressentiment.

Nous proposons de donner aux parents qui le souhaitent la possibilité de scolariser dans des conditions adaptées les enfants en maternelle à partir de deux ans, de rétablir une semaine équilibrée de cinq jours, d’ouvrir plus longtemps les CDI et bibliothèques, d’organiser les études surveillées et le soutien scolaire. L’Ecole doit devenir le lieu d’apprentissage du bon usage de l’Internet, où l’élève dirigera sa recherche au lieu d’être égaré par elle, où il apprendra à croiser ses sources avec celles des media classiques. L’enseignement technique et technologique doit être pleinement valorisé. Il sera utile aussi de créer des internats, avec un régime de bourses pour les familles ayant de faibles ressources ; les internats créent les conditions de tranquillité, de sérénité et de surveillance indispensables au travail intellectuel.

La formation de la citoyenneté est la deuxième grande mission de l’Ecole. L’instruction civique doit transmettre les valeurs de la citoyenneté : égalité des droits et des devoirs, laïcité, amour de la loi, respect de soi et des autres. C’est le creuset dans lequel s’effacent les distinctions de sexe, d’origine, de croyances. Dans une société sapée par les inégalités, l’Ecole demeure une garantie de justice sociale qu’il faut préserver. La carte scolaire doit être maintenue comme outil indispensable à la mixité sociale. Contre l’irruption de la violence dans l’Ecole, il faut relever l’autorité des maîtres : le jeunisme ou la démagogie conduisent à une tyrannie du groupe sur l’individu. Les ZEP sont une bonne chose à condition qu’elles aient les moyens de fonctionner et qu’elles ne cèdent pas à la tentation du différentialisme dans les programmes. Les méthodes de la didactique doivent s’adapter aux élèves, mais le niveau d’exigence n’a pas à s’abaisser. Dans les zones dites difficiles, il faut mettre un terme aux suppressions de postes d’enseignants et y nommer les plus expérimentés : les incitations appropriées doivent être développées. Les Instituts universitaires de formation des maîtres ont besoin de connaître la mission que la République assigne à l’Ecole. Faute d’un cap défini, la langue de bois pédagogiste et le jargon libéral-libertaire se substituent à l’idéal de l’Ecole émancipatrice. Un bon niveau de connaissances théoriques disciplinaires n’est nullement incompatible avec la maîtrise critique des techniques pédagogiques. De même l’approche de l’éducation civique doit trouver place dans les IUFM.

Enfin l’Ecole républicaine ne doit pas être assujettie aux féodalités locales. Non au recrutement régional des maîtres, à la mise en concurrence des établissements. La valeur nationale des diplômes préserve une garantie d’égalité.

Dans l’enseignement supérieur, nous devons faire face au tarissement du nombre d’étudiants dans les filières scientifiques et techniques. Des bourses incitatives seraient nécessaires. L’orientation à l’Université et les conditions d’enseignement, au cours du premier cycle doit répondre au défi que constitue l’abandon par de nombreux étudiants de leur cursus. Nous avons également proposé que l’Etat et le service public financent les études de jeunes de milieu modeste qui s’engagent ensuite à servir durant dix ans. L’Etat, dans ses rapports avec l’Université doit stimuler leur association avec les grands organismes de recherche, favoriser la création de nouvelles universités de technologie

II - 6 - Science, culture, environnement 

Les politiques menées depuis un demi-siècle pour démocratiser l’accès à la culture ont eu des résultats qui sans être négatifs restent insuffisants. Nous proposons de donner un nouvel élan à cette ambition. Un projet républicain doit se fonder sur la confiance accordée à la science et à la création. La liberté de la recherche doit être défendue bec et ongles, contre les nouveaux obscurantismes. Les choix politiques relèvent de la démocratie et des décisions prises à la majorité. La recherche en revanche ne doit pas connaître d’obstacles politiques. Elle doit recevoir une franche impulsion publique.

Les relations de l’homme et de la nature revêtent une dimension planétaire : effet de serre, réchauffement du climat, conséquences sur le niveau des océans et sur les terres habitées des rivages, amenuisement de la biodiversité... Y faire face suppose de mobiliser les capacités de la raison et de la science, et non de sombrer dans un millénarisme aveugle. La mise en cause de plus en plus systématique de la recherche au nom d’un principe de précaution dévoyé n’est pas acceptable. Ainsi la situation climatique apparaît de plus en plus inquiétante à l’horizon de quelques décennies. Limiter l’émission de gaz à effet de serre doit devenir un critère de toute décision publique. On s’étonne de l’attitude de l’administration américaine déniant ces évidences. On s’étonne de l’attitude de la Commission européenne qui, en matière d’énergie, propose des catalogues d’alternative au pétrole (charbon, éolien...) qui ont sans doute un rôle à jouer, mais passe sous silence le fait que seule l’énergie nucléaire obtient un rendement énergétique considérable sans émission de gaz à effet de serre. Le développement mondial de cette énergie, assortie de mesures d’économies d’énergie et de promotion des sources renouvelables, peut stabiliser la concentration de gaz carbonique et donc la température moyenne du globe. C’est un enjeu qui mérite de sortir de la démagogie anti-nucléaire, souvent déployée d’ailleurs par ceux qui ont accepté de mettre en place le marché du « droit à polluer » ! L’éthique de responsabilité face à l’environnement et à l’avenir de la planète est une dimension moderne du civisme et de la citoyenneté. Il faut penser l’écologie de l’humanité, et réintroduire la responsabilité des nations face au devenir de l’humanité. Dans ses programmes de recherche sur l’environnement comme dans sa coopération scientifique internationale, la France doit être exemplaire : respect du protocole de Kyoto, programme en matière d’électricité photo-voltaïque, d’agroforesterie, d’étude des coraux, protection des sols, gestion des déchets. Elle défendra la souveraineté des peuples sur leurs ressources en eau, qui doit échapper aux lois du marché.

Un projet républicain fait confiance à la création et aux créateurs. Il s’agit de les défendre face à la marchandisation générale, et de promouvoir l’exception culturelle. Il s’agit aussi de favoriser la participation du plus grand nombre à la vie culturelle, en ressoudant ainsi le sentiment d’appartenance. Les difficultés d’aujourd’hui tiennent moins à l’offre culturelle qu’à la demande, limitée socialement et tendant à fonctionner en circuit fermé. L’exception culturelle, que le projet de « constitution » européenne faisait disparaître en la soumettant à l’accord de la Commission et du Conseil, vise, au delà de la diversité culturelle qui est un fait, à inscrire au plan juridique le droit d’exclure les biens culturels des lois du commerce mondial. Il ne s’agit pas d’un principe national, mais universel, permettant non seulement au cinéma français de survivre, mais aux autres cinémas, d’Europe ou d’Afrique par exemple, de renaître ou d’émerger. Il s’agit aussi de développer les liens culturels et économiques avec les pays francophones qui le souhaitent afin que la culture française ne disparaisse pas dans un monde dominé par la seule culture américaine.

Nous proposons également de recentrer la télévision publique sur ses missions spécifiques, et de la financer par une taxe sur les rentrées publicitaires des chaînes privées, celles-ci gagnant en retour l’exclusivité de la publicité commerciale. Ainsi affranchie de la tyrannie des annonceurs, une télévision publique digne de ce nom fera place à la qualité, à la création, à l’exigence en matière d’information. Nous avons besoin aussi d’une chaîne d’information continue française, diffusée par satellite ; l’enjeu mérite de surmonter l’opposition public - privé. De même la concentration des media autour de grands groupes industriels -souvent d’industries de défense - est préoccupante : nous avons besoin d’une loi anti-trust en matière de presse et, pour le moins, du respect strict de la législation actuelle prohibant le cumul de titres par un seul propriétaire.

Nous proposons en même temps d’ouvrir la culture française sur le monde : création de Maisons des cultures du monde, à l’image de celle créée à Paris par Ch. Khaznadar, franche réorientation de la France vers le Sud, accueil et promotion des artistes et créateurs de l’Afrique et de la Méditerranée, rencontres, concerts, festivals, création commune entre les jeunes francophones du monde entier, ouverture de l’édition française aux écrivains francophones d’Amérique, d’Haïti, du Maghreb, d’Afrique noire, renforcement du rôle des alliances françaises et lycées français à l’étranger. La société a le devoir de protéger ses artistes. La responsabilité en incombe à la solidarité générale et à l’Etat : la défausse entre l’une et l’autre, l’opacité, doivent cesser pour établir un statut décent aux artistes et aux créateurs.

Nous proposons de faire de la francophonie une dimension majeure, culturelle et politique, capable d’ouvrir notre peuple vers le monde. Par delà la défense et la promotion de la langue, elle peut illustrer la capacité à brasser tous les peuples, toutes les émotions, à affirmer l’unité de l’humanité au delà des fractures qui se creusent. Elle doit vigoureusement s’attacher à l’accueil et à la promotion des artistes et créateurs du monde francophone.

II - 7 - La France doit rester une grande puissance politique 

II - 7 A - L’Europe des peuples et des nations 

Ce n’est pas en mettant la France républicaine à genoux que l’Europe se mettra debout. Les Français, puis les Néerlandais, ont dit avec force, contre tous les pouvoirs établis, qu’ils ne voulaient pas disparaître en tant que nations, ni être immolés comme ensembles de solidarité collective sur l’autel de la concurrence mondialisée.

Nous attendons du futur Président de la République qu’il tire les conclusions du vote massif du peuple français : l’Europe devra compléter les nations qui la composent et non s’y substituer. Cette clarification est urgente. Et pour commencer, il faut retirer de notre Constitution la référence au Traité constitutionnel européen que notre peuple a rejeté.

Nous n’avons pas besoin de « constitution » européenne. Elle a été sortie par la grande porte, elle ne rentrera pas par la fenêtre, comme le propose le texte d’orientation adopté par le PS au congrès du Mans. Entre les vingt-cinq Etats membres, un traité pourra, le moment venu, enregistrer les acquis des améliorations institutionnelles acceptées à Nice et après Nice et se débarrasser des thèses inacceptables sur la défense dont l’OTAN ne saurait être l’instance de mise en œuvre. Pour ce qui est de la « charte des droits fondamentaux » et ce qu’il en est advenu, une simple adhésion de l’Union à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme » garantira aussi bien les droits des citoyens, en nous préservant du gouvernement du juge de Luxembourg ! Quant au titre III de la « constitution », ses dispositions ne doivent en aucun cas recevoir force constitutionnelle : chacune de ses dispositions n’en sera que plus aisément modifiable. Le futur Président de la République devra faire respecter le vote des Français et refuser énergiquement tout retour à cette pseudo-constitution.

En revanche, la France devra proposer -comme on l’a présenté plus haut- un programme de retour à la croissance en Europe et de levée des obstacles qui s’y opposent (Pacte de stabilité, statuts de la BCE, politique du change, etc...)

Elle devra également proposer de simplifier la procédure de coopération renforcée : elles doivent être possibles à partir de cinq Etats volontaires ; la Commission n’a pas à y opposer de veto. A défaut, ces coopérations devront se nouer hors traité. Les coopérations renforcées sont nécessaires pour rattraper notre retard en matière de recherche, pour doter l’Europe d’un réseau de transports à grande vitesse, développer le ferroutage, mais aussi pour dépolluer la Méditerranée, assurer la sécurité des centrales nucléaires, promouvoir l’industrie aéronautique et spatiale...

A ces coopérations renforcées, pourraient être associés des pays du grand voisinage de l’Europe : Russie, Turquie, Maghreb. Le dixième anniversaire du processus de Barcelone marque une grande déception : il est urgent de relancer la dynamique de co-développement en Méditerranée. C’est le meilleur moyen de lutter contre la misère et d’assécher le terreau du fanatisme. Aux thèses absurdes qui veulent dresser l’un contre l’autre l’Europe et le monde arabo-musulman, nous devons opposer l’alliance des civilisations.

La France, l’Allemagne et la Russie ont fait la preuve qu’ensemble, ils ne pouvaient certes pas arrêter l’équipée guerrière des Etats-Unis en Irak, mais qu’ils pouvaient faire contrepoids ; du moins ont-ils empêché les Américains de faire valider leur agression par l’ONU comme ils l’obtinrent malheureusement en 1991. Le changement profond de l’opinion en Allemagne ancre le partenariat franco-allemand dans une réalité politique tangible. Nous pouvons faire écho en France à ce mouvement, en stimulant l’intérêt des Français pour leur voisin d’outre Rhin, pour sa langue, sa culture, sa créativité et en cessant d’entretenir des complexes d’ailleurs réciproques. Nous avons besoin également de resserrer les liens avec la Russie, grande puissance européenne, sans laquelle notre continent ne pourra jamais être un acteur stratégique indépendant. La ligne Paris Berlin Moscou trace le chemin d’une véritable émancipation européenne au service de l’équilibre et de la paix.

II - 7 B Vers le co-développement 

Le co-développement doit devenir une exigence : effacement complet de la dette, relèvement de l’aide publique ( à hauteur des 0,7% du PIB préconisés par l’O.N.U.), taxation des mouvements de capitaux spéculatifs... Face à l’idéologie libérale qui exerce tant de ravages en Afrique, la France républicaine a le devoir de dire avec force qu’il y a un autre chemin : il n’y a pas de développement sans Etat, qui soit si possible un Etat de droit ; il est nécessaire de fonder des nations sur la citoyenneté et non sur le communautarisme ou l’ethnicité ; il est souhaitable d’organiser le développement avec le soutien d’un Etat stratège, volontaire, garant du bien public. Ce message est attendu. La diversité du monde ne peut se ramener à l’extension sans limite et sans frein du modèle capitaliste anglo-saxon. Là se joue le destin d’un monde multipolaire. Nous proposons aussi de réorienter l’aide publique vers l’investissement local, les équipements de santé, l’assistance médicale, l’éducation et la formation, les microstructures artisanales, agricoles, commerçantes. Nous devons aussi passer d’une coopération d’offre à une coopération de demande, ce qui réorientera le problème de l’entretien des structures ainsi réalisées.

La France peut jouer un rôle original et utile en direction du monde arabo-musulman. Ses liens, depuis François Ier ou l’expédition d’Egypte sont anciens. Le passé colonial a eu ses ombres mais aussi ses lumières. Beaucoup de è-nos compatriotes sont nés ou sont de parents nés de l’autre côté de la Méditerranée. L’ancienneté, la complexité, l’importance des liens tissés invitent la France à faire valoir sa vision : les interventions militaires, au lieu de faire reculer le terrorisme, fouettent l’intégrisme dans la région comme on le voit en Irak, en Iran, en Palestine, en Egypte ; Le nœud des tensions est dans le conflit israëlo-palestinien. Une paix juste, durable, fondée sur le droit d’Israël à la sécurité et le droit des Palestiniens à un Etat viable a été esquissée à Tabah. Son équilibre est toujours de pleine actualité, comme l’initiative de Genève l’a montré. Ce n’est pas le choc des civilisations qui vaincra la violence, mais la coopération Nord - Sud. C’est l’alliance des civilisations qui peut tarir les sources du fanatisme et du terrorisme, imposer une paix juste au Proche-Orient. Après le fiasco américain, le moment est venu de faire valoir ces thèses. La politique américaine, déjà fourvoyée en Irak, ne doit pas nous entraîner vers d’autres interventions en Iran ou en Syrie, contraires à nos propres intérêts et désastreuses pour l’avenir.

Dans les relations économiques mondiales, la France doit porter un message clair : le libre échangisme dogmatique ne résout pas les difficultés du monde, ni au Nord où il génère un chômage de masse, ni au Sud où il approfondit la crise presque partout. Nous devons exiger une clause sociale à l’OMC permettant de déjouer le dumping social des nouveaux pays producteurs et les inciter à relever plus vite salaires et protection sociale. Faute de quoi nous devrons rétablir la préférence communautaire à l’échelon de l’Union européenne pour une large part des biens et services.

Ce serait à la Banque mondiale, et non au FMI devenu inutile dès lors que ses missions sont assurées par la plupart des grandes banques internationales voire nuisible si on en juge par le résultat des plans d’ajustement, de favoriser l’investissement dans les infrastructures nécessaires au développement. C’est la judicieuse observation de Joseph Stieglitz. Cela supposerait la constitution d’un réseau de Banques de développement régionales pour investir dans l’économie réelle là où le secteur privé est défaillant.

Nous soutenons également le projet de taxation des mouvements de capitaux à caractère spéculatif. Une taxe fiscale pour la zone euro aurait un sens important, contribuerait à faire exister la zone comme entité économique, et y stabiliserait les flux de capitaux. L’Europe montrerait qu’elle est autre chose qu’un pion de la mondialisation libérale.

La France doit faire entendre sa voix dans les affaires du monde. La mondialisation ne périme que les nations qui s’abandonnent. Il y a place pour une politique étrangère indépendante, solidaire, ouvrant le chemin au monde multipolaire qui se dessine.

II - 7 B Une défense indépendante 

En matière de défense, la remise à niveau engagée depuis peu doit être poursuivie, mais le recentrage des missions est impératif. La défense est nationale ; la dérive vers la fourniture de contingents aux quatre coins de la terre et le plus souvent sous commandement américain doit cesser. Les opérations extérieures que nous conduisons ou auxquelles nous participons doivent être reliées étroitement à nos objectifs de politique étrangère.

L’architecture de la défense doit être clairement perceptible : son noyau, c’est la force de dissuasion qui autorise l’indépendance de notre politique. Loin d’être contradictoire avec notre projet européen, la capacité de dissuasion française contribue à construire en matière de défense une Europe européenne, et non pas seulement une banlieue de l’OTAN. Son cœur devrait être le lien armée - nation, gravement distendu par la disparition du service national. Nous proposons la création d’un service court, d’une dizaine de semaines, avec un encadrement professionnel et de réserve, permettant de former une garde nationale de 60 000 appelé(e)s, avec un volontariat service long. Songeons qu’en cas de menace réelle, nous n’aurions pas aujourd’hui les capacités de protéger les points sensibles du territoire (alimentation en eau, électricité, relais de radio, de téléphone...)

En Europe, nous devons être le moteur de politiques communes en matière d’équipements de défense, et mener le débat sur l’avenir de la défense en sortant de l’ornière qui ferait de l’OTAN le cadre de son élaboration et de sa mise en œuvre. Nous respectons pleinement les obligations du traité de l’Atlantique Nord, mais nous récusons les tentatives de faire de l’OTAN une organisation militaire internationale intervenant en Asie ou au Moyen-Orient.

Nous n’avons pas à suivre les Américains qui voudraient faire du terrorisme le successeur de la menace soviétique. Jamais en fait leur politique, depuis l’occupation de l’Irak, n’avait autant encouragé le terrorisme et favorisé le recrutement de ces soldats perdus. La première réponse au terrorisme est politique. L’Europe ne doit pas emboîter le pas de Washington, mais suivre sa propre voie dans ses relations de grand voisinage avec la Russie, la Turquie, l’Iran, le monde arabe. Agir contre le terrorisme c’est tarir ses sources financières et donc imposer des règles de transparence aux circuits financiers en luttant contre l’argent sale. Au plan de notre sécurité nationale, les menaces actuelles font apparaître la nocivité de choix antérieurs : nous avons besoin d’une défense du territoire, d’un service national même de courte durée, d’une défense améliorée de nos approches maritimes et aériennes, de nos approvisionnements. Il faudra combler ces lacunes. Lutter contre le terrorisme de manière efficace, c’est assécher le terreau sur lequel il prospère et opposer aux fanatiques la cohésion civique de la nation.

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presidentielles 2007 , 2012 et 2017
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